mercredi 5 mars 2014

Du goudron!


Du goudron !

Lors de la 8 ème Tessonnade, l’an passé nous avions tentés de fabriquer des jarres à goudrons gallo romaines, depuis certains esprits s’échauffent (dont le mien) autour des méthodes anciennes de production de goudron végétal.





Si l’on sait produire des goudrons d’origine végétale depuis la préhistoire. C’est une véritable industrie qui s’est développée dans notre partie de l’Aquitaine au moins depuis l’Antiquité et ce jusqu’au XIX° siècle, avant que les dérivés issus du pétrole ne fasse concurrence aux produits dérivés du pin. Ainsi, à la fin de l’Antiquité, Paulin de Nole parlait de boïens poisseux, et les sites antiques livrant des traces de production de goudron ne sont pas rares dans notre région (Sanguinet, Audenge, Hostens, etc…).

Ça bout sous la casquette ! Comment obtenait-on alors du goudron à partir de bois de pins ? Quelle(s) place(s) tiennent les très grandes céramiques comme les dolia et cuviers dans ce processus ? Questions qui ne sont pas aussi anodines que cela pourrait paraître !

Jean Claude Lacrotte, qui était venu nous rencontrer au cours de la dernière Tessonnade, n’est pas n’importe qui ! Il fait partie de l’Association des Gascons de Biscarosse et plus particulièrement des résiniers de Cugnes, dont la principale préoccupation est l’histoire de la forêt et de son exploitation, notamment à travers la production de résine et de goudrons.


Certainement stimulé par nos essais durant la dernière Tessonnade, il s’est depuis lancé dans ses propres expériences. Nous nous sommes rencontrés le 4 février pour une journée hors du temps !


Au programme de la matinée : visite au musée archéologique municipal de Sanguinet, en compagnie de Guillaume Parpaite, responsable des recherches archéologiques à Sanguinet, et Bernard Dubos, une des mémoires vivantes du CRESS. Les exemplaires très complets de grande jarre et de grand cuvier qui y sont présentés ont frappés les visiteurs par leur ‘‘importance’’, réactivant d’emblée cette épineuse question : Comment diable cela fonctionnait-il ?

Afin d’alimenter nos passionnants échanges autour des hypothèses de fonctionnements des fours à goudrons antiques, et de poursuivre le partage de nos connaissances et observations, nous avons poursuivi cette matinée de réflexion par une brève consultation des collections entreposées au dépôt archéologique de Sanguinet, guidés par Guillaume et Bernard. Juste histoire de bien avoir à l’œil l’ampleur que pouvaient représenter ces grandes jarres, et d’observer quelques exemples de dépôts goudronneux présents sur les tessons archéologiques issus du site englouti de Losa.


Ingurgiter autant de nourriture spirituelle, ça creuse ! Nous voila donc parti pour Biscarrosse, direction une cabane gasconne bâtie à l’ancienne! Après un plantureux et joyeux repas, nous avons enchaîné par une courte visite du parc de médiation développé par l’Association des Gascons de Biscarrosse montrant les techniques traditionnelles. Objet de toutes les attentions, la reconstitution d’une hourn de Gaze, ce four caractéristique de la production de goudron de pin dans notre région largement utilisé au XVIII°siècle!

Après avoir vu tout cela, comment résister à l’envie d’essayer ? Nous voilà donc de nouveau parti en début d’après-midi, conduit par Jean-Claude et son équipe auprès d’un de leurs fours expérimentaux.


La veille, ils avaient mis à feux un petit « hourn de gaze », c’est à dire une meule de buchettes de racines de pin bâtie sur une sole de combustion, recouverte de mottes herbeuses (lou gaze en gascon). Cette sole, constituée d’un assemblage de briquettes, forme un socle en entonnoir facilitant l’écoulement du goudron dégagé par la combustion de la meule vers la canalisation et le récipient de collecte, déporté de la meule et en contrebas.

Nous avons assisté à l’ouverture de la structure, bien décevante puisque nous n’avons pas récolté une seule goutte de goudron ! Que s’est t’il donc passé ? Qu’est ce qui n’a pas fonctionné. Les discussions vont bon train !







Pour beaucoup, c’est à cause de toute cette maudite pluie, mais les interprétations divergent dans le détail. Pour certains, les trombes d’eau ont empêché une montée en température suffisante de la structure. Pour d’autres, c’est plus l’apport d’oxygène amené par les molécules d’eau elle-même qui ont fait rater la réduction. Une même conclusion pour tous: il faut recommencer ! Il faut que ça marche pour la Tessonnade !





Après nettoyage, le même espace surélevé permettant de nous isoler du sol boueux fait l’objet d’une nouvelle expérimentation. Produire du goudron par un système en vase clos, la chauffe se faisant par un feu à l’extérieur de la structure, une technique sans doute plus proche de celle employé par les gallo-romains.

Si les gallo-romains utilisaient de grandes jarres en terre, les dolia, avec différentes hypothèses de montages que nous chercherons à tester à Sanguinet durant les prochaines Tessonnades. Aujourd’hui nous faisons un essai dans des récipients en métal, plus facile d’utilisation. Au moins pour voir un peu à quel type de rendement et de qualité de goudron on pourrait s’attendre dans de bonnes conditions.



Une demi bouteille de gaz est remplie de buchettes de bois de pin. Elle est ensuite renversée sur une autre, à demi enterrée. Cette dernière présente une grille empêchant les buchettes et les débris de tomber au fond, et un tuyau latéral permettant d’évacuer les gaz se dégageant lors de la chauffe. Il s’agit dune sorte de chambre de décompression, afin d’éviter l’explosion de l’ensemble sous l’effet du dégagement de gaz. Le joint entre ces deux demi bouteilles est hermétiquement scellé par de la terre, de façon à empêcher toute entrée d’oxygène préjudiciable au bon déroulement de l’opération.
Enfin, le fond de la demi bouteille semi enterrée est percé, permettant au goudron de se condenser et de s’écouler dans un petit récipient métallique, complètement enterré pour qu’il bénéficie pleinement des propriétés réfractaires de la terre et reste froid.


 





Une fois cet assemblage soigneusement mi place, une meule de bois, édifiée autour de la partie supérieure, est mise à feu.




Après trois quart d’heure d’une chauffe assez violente, on enlève les braises et on ouvre le récipient :

Surprise ! Le bois n’est certes que partiellement brûlé, mais le petit bocal est plein de goudron. Youpie !


Et sous l’œil de la camera de TV Biscarosse les discussions s’animent autour de la qualité des goudrons, comment améliorer le processus et l’adapter à la techniques des jarres gallo romaines.

Belbéoc’h Gwenolé et Parpaite Guillaume